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octobre 30, 2023 · Laurence Inkel · CancercoupleDépressionDiversitéÉducation à la sexualitéPourquoi consulterpsychothérapie couplerelationsexologiethérapie ImagoVieillissement

Le polyamour : comprendre les relations polyamoureuses, y naviguer et s’y épanouir

Par Laurence Inkel (elle), B. Sc., stagiaire à la Clinique de sexologie et psychothérapie de la Rive-Sud

Le polyamour est un sujet qui suscite de plus en plus d’intérêt et de discussions dans notre société contemporaine. Il va au-delà des normes traditionnelles de relations monogames, celles-ci étant basées sur l’exclusivité amoureuse et sexuelle, pour ainsi embrasser une vision flexible et ouverte de l’amour et la sexualité. La remise en question de la monogamie, certes sans pour autant la discréditer, permet la mise en lumière de la pluralité des configurations relationnelles. Ces réflexions collectives favorisent la reconnaissance sociale de la diversité des manières de vivre les relations intimes, laissant la liberté à chacun.e de choisir ce qui fait le plus de sens pour ellui compte tenu de sa situation actuelle, ses désirs, ses besoins et ses valeurs.

Le polyamour d’un point de vue législatif

Si l’aspect normatif du modèle conjugal traditionnel et monogame tend à être questionné, il ne faut pas penser que les relations polyamoureuses n’existaient pas avant qu’elles soient plus socialement visibilisées ni qu’elles se voient aujourd’hui attribuer la même légitimité gouvernementale et juridique. Autrement dit, en dépit de l’évolution législative quant à la reconnaissance des familles recomposées, 2SLGBTQIA+ et par procréation assistée, le droit québécois restreint encore à ce jour les définitions de conjoint.e et parent au nombre de deux, délaissant la possibilité aux partenaires polyamoureuxes de se voir attribuer les mêmes avantages légaux (Lessard, 2019).

Polyamour : une éthique relationnelle avant tout

Le polyamour, signifiant sémantiquement « plusieurs [poly] amours », se définit par la capacité à ressentir des sentiments amoureux pour plus d’une personne à la fois et à entretenir des connexions romantiques, sexuelles et/ou affectives, et ce, toujours avec le plein accord et consentement de toustes les partenaires impliqué.e.s. En raison de leur composante affective et de l’investissement émotif requis, les configurations polyamoureuses se distinguent habituellement de la modalité relationnelle de couple ouvert. Néanmoins, la nomenclature priorisée est sujette au changement et demeure celle utilisée par les individus concerné.e.s, qui sont les mieux placé.e.s pour attribuer un sens à leur réalité interpersonnelle.

Alors que certain.e.s se disent intrinsèquement polyamoureux.se, c’est-à-dire vivant la non-monogamie similairement à une orientation sexuelle/romantique, la pratique ou non du polyamour peuvent pour d’autres dépendre des périodes de leur vie, de leurs rencontres ou du niveau de sécurité et de confiance de leur(s)  relation(s) préexistante(s). Si le polyamour se caractérise de multiples façons (p. ex., philosophie, accord, configuration, etc.), le consentement, l’honnêteté, la communication et la liberté y occupent une place privilégiée (Lévesque, 2019). L’utilisation du terme de la non-monogamie éthique ou consensuelle met notamment l’accent sur la prise en compte de ces principes.

Assurer le maintien de sa santé sexuelle et affective dans les relations polyamoureuses

Les relations polyamoureuses nécessitent des précautions quant à la minimisation des risques de transmission d’infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) et la prévention des grossesses non planifiées, d’où l’importance de s’entendre avec ses partenaires sur les moyens de protection et de contraception utilisés. D’autres paramètres, limites ou règles concernant la sexualité peuvent également cibler les activités sexuelles pratiquées, les lieux de sexualité ou les informations dévoilées.

Reconnaître les émotions de même que les limites

Il est vrai que les communautés non monogames valorisent la déconstruction des normes intériorisées et des mythes de l’« âme sœur » ainsi que le travail sur soi et ses blessures. Or, cela ne veut pas dire qu’il est à tout moment souhaitable et réaliste de toujours chercher à décortiquer son ressenti et s’imposer l’inconfort pour se challenger. Pensons à la jalousie, une émotion humaine et naturelle pouvant se présenter dans tous les types de relations : c’est vraiment correct de l’identifier et d’en prendre soin en élargissant ses limites ou en restreignant son entente relationnelle pour éviter de se refragiliser, voire potentiellement se retraumatiser. C’est sain et légitime de s’épargner en ne cherchant pas à savoir l’ensemble des détails des autres expériences relationnelles vécues par ses partenaires si l’on se sait particulièrement fragile à la comparaison, le sentiment de ne pas être à la hauteur ou l’anxiété d’abandon par exemple ; cela ne fait pas de vous une personne moins polyamoureuse, « malsaine » ou insuffisamment « déconstruite ».

Les relations polyamoureuses peuvent être profondément enrichissantes, mais demeurent complexes et émotionnellement demandantes pour la majorité. Si l’on peut résonner avec plusieurs valeurs et réflexions sous-jacentes, c’est aussi valide de ne pas avoir envie de naviguer le contenu émotif que les configurations polyamoureuses peuvent engendrer. Au fond, adopter une posture consciente et critique dans l’entretien et le vécu de ses relations, c’est avant tout de reconnaître ses propres dispositions et limites.

La pertinence de l’aide sexologique

Alors que certains couples monogames peuvent envisager la pratique de la non-monogamie en réponse à certaines de leurs difficultés, il n’est pas recommandé d’avoir recours au polyamour en guise de solution à des problèmes conjugaux. En effet, il est possible que le vécu de nouveaux liens intimes donne une impression de second souffle, mais cette sensation de bien-être ne sera qu’éphémère si elle sert de stratégie inconsciente d’évitement. Les services sexologiques et psychothérapeutiques peuvent d’ailleurs s’avérer pertinents pour adresser vos réflexions quant à l’ouverture ou la réouverture de votre relation conjugale actuelle et vos motivations associées.

Tout comme iels peuvent vous aider à éclaircir votre disponibilité émotionnelle et vos désirs, les professionnel.le.s qualifié.e.s peuvent vous accompagner dans la mise en place d’un environnement favorable à un épanouissement polyamoureux. Un suivi peut par exemple miser sur la réflexion face aux différentes configurations relationnelles, l’analyse des impacts potentiels d’une configuration non monogame, le renforcement des habiletés de communication, l’identification de ses limites et vulnérabilités, l’exploration des attentes et scénarios hypothétiques ou l’installation d’un contexte relationnel sécure et bienveillant.

D’autre part, les professionnel.le.s exerçant de la relation d’aide ou de la psychothérapie conjugale peuvent vous soutenir dans la gestion d’une rupture de confiance ou d’infidélité dans un cadre polyamoureux, soit le non-respect de l’entente par un.e partenaire. Au besoin, n’hésitez pas à questionner la possibilité de consulter à plusieurs.

Un soutien dans votre cheminement du polyamour

En bref, explorer le monde du polyamour peut s’avérer être une aventure épanouissante lorsque les parties impliquées s’engagent à communiquer ouvertement, à respecter le consentement et à considérer les limites et les émotions de chacun.e. Il n’en demeure pas moins que ce sont des configurations qui comportent leurs propres défis et difficultés, et qui par conséquent, ne conviennent pas à tous les contextes ni à toutes les relations ou les personnes.

Si vous envisagez l’expérimenter, un soutien professionnel peut vous être grandement utile pour vous guider à travers les modèles polyamoureux. Les sexologues et psychothérapeutes peuvent jouer un rôle important dans votre cheminement du polyamour notamment en vous aidant à renforcer vos compétences interpersonnelles, à comprendre et réguler vos émotions et à assurer votre bien-être sexuel et émotionnel.

Plus d’informations sur le polyamour

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Liens

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Références

Bairstow, A. (2017). Couples exploring nonmonogamy: Guidelines for therapists. Journal of Sex & Marital Therapy, 43(4), 343-353.

Lessard, M. (2019). Les amoureux sur les bancs publics: le traitement juridique du polyamour en droit québécois. Canadian Journal of Family Law, 32(1), 1-77.

Lévesque, M. (2019). Le polyamour: exploration d’une réalité relationnelle [Mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal]. Archipel.